Un climat politique électrique à l’approche de la présidentielle camerounaise
À moins d’un an de la très attendue élection présidentielle au Cameroun, la scène politique s’est enflammée après un meeting retentissant de l’opposition, organisé à Paris à la Place de la République. Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et principal challenger du président Paul Biya, y a rassemblé des centaines de partisans et de membres de la diaspora, dénonçant la « confiscation du pouvoir » et appelant à une alternance démocratique. Cette démonstration de force à l’international a immédiatement suscité une riposte du parti au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), qui accuse l’opposition de « manipulation » et de « déstabilisation ».
Un meeting à Paris qui fait trembler Yaoundé
Le choix de Paris n’est pas anodin. Capitale de la diaspora camerounaise, la ville est devenue un haut lieu de la contestation contre le régime de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982. Lors de ce meeting, Kamto a martelé son message : « Le Cameroun n’appartient pas à un homme, il appartient à son peuple. » Il a dénoncé les arrestations arbitraires, la répression des manifestations et les fraudes électorales qui, selon lui, ont marqué tous les scrutins depuis deux décennies.
La Place de la République, symbole des luttes démocratiques, a résonné des slogans « Kamto Président ! », « Non à la dictature ! », « Libérez les prisonniers politiques ! ». De nombreux observateurs y voient un signal fort de la mobilisation de la diaspora, qui joue un rôle croissant dans la politique camerounaise, notamment via les réseaux sociaux et les campagnes de financement participatif.
La riposte du RDPC et la stratégie du pouvoir
Le RDPC, parti de Paul Biya, n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué officiel, il a accusé Maurice Kamto et ses alliés de « chercher à semer le chaos » et de « ternir l’image du Cameroun à l’étranger ». Le gouvernement a rappelé que « seule la Commission électorale indépendante a autorité pour organiser les élections » et a mis en garde contre toute tentative de « déstabilisation institutionnelle ».
Plusieurs membres du gouvernement ont multiplié les interventions dans les médias publics pour défendre le bilan du président Biya, insistant sur la stabilité, la croissance économique et la lutte contre le terrorisme dans l’Extrême-Nord. Mais pour de nombreux Camerounais, ces arguments peinent à masquer la lassitude face à un pouvoir jugé vieillissant et déconnecté des réalités sociales.
Des tensions politiques exacerbées sur fond de crise sociale
Le climat politique camerounais est marqué par une polarisation croissante. Les partisans du MRC dénoncent la répression, les arrestations arbitraires et la mainmise du RDPC sur les institutions. Les manifestations sont régulièrement dispersées par la police, et plusieurs figures de l’opposition, dont Kamto lui-même, ont connu la prison ces dernières années.
Parallèlement, la crise anglophone continue de déchirer les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où des groupes séparatistes affrontent l’armée dans un conflit meurtrier. La situation économique reste fragile, avec un chômage élevé, une inflation galopante et une jeunesse en quête d’opportunités.
La présidentielle 2025 : un scrutin à haut risque
La présidentielle prévue pour octobre 2025 s’annonce comme l’une des plus incertaines de l’histoire du Cameroun. Paul Biya, 92 ans, n’a pas officiellement annoncé s’il briguerait un nouveau mandat, mais ses proches laissent entendre qu’il « reste le meilleur garant de la stabilité ». L’opposition, elle, tente de s’unir autour de Kamto, mais fait face à des divisions internes et à la difficulté d’accéder aux médias publics.
La Commission électorale est sous le feu des critiques : manque de transparence, listes électorales contestées, absence d’observateurs indépendants. Plusieurs ONG internationales appellent à une réforme du processus électoral et à la garantie des libertés fondamentales.
Perspectives et scénarios pour 2025
- Scénario 1 : Maintien du statu quo – Paul Biya se représente, le RDPC mobilise l’appareil d’État, l’opposition dénonce des fraudes, mais le pouvoir se maintient.
- Scénario 2 : Alternance démocratique – Une mobilisation massive, notamment de la jeunesse et de la diaspora, permet à l’opposition de remporter le scrutin, sous réserve d’une surveillance internationale accrue.
- Scénario 3 : Crise post-électorale – En cas de contestation des résultats, le pays pourrait connaître des troubles majeurs, sur fond de crise anglophone et de tensions sociales.
Conclusion : Un Cameroun à la croisée des chemins
Le meeting de Paris a montré que la présidentielle de 2025 sera scrutée bien au-delà des frontières camerounaises. La capacité du pays à organiser un scrutin transparent, inclusif et apaisé sera déterminante pour son avenir. Plus que jamais, la société civile, la diaspora et les partenaires internationaux auront un rôle à jouer pour accompagner une transition démocratique attendue par des millions de Camerounais.