Le Maroc, locomotive du développement africain : regards sur la stratégie de coopération du royaume chérifien en Afrique subsaharienne

Le Maroc s’est affirmé, au fil des deux dernières décennies, comme l’un des acteurs majeurs du développement et de la coopération en Afrique subsaharienne. Jadis tourné principalement vers l’Europe et le Maghreb, le royaume chérifien a opéré un tournant stratégique en multipliant les investissements, les partenariats et les initiatives diplomatiques au sud du Sahara. Cette politique, portée par une vision royale et une diplomatie économique offensive, fait aujourd’hui du Maroc un modèle de réussite et un partenaire incontournable pour de nombreux pays africains. Analyse d’une stratégie volontariste, de ses ressorts, de ses réussites et de ses défis.

Une stratégie pensée au sommet de l’État

L’impulsion de la nouvelle politique africaine du Maroc vient directement du roi Mohammed VI, qui a fait du continent noir la priorité de sa diplomatie depuis le début des années 2000. Le souverain a multiplié les visites officielles dans plus de 30 pays africains, tissant des liens personnels avec de nombreux chefs d’État et posant les bases d’une coopération « gagnant-gagnant ». Le retour du Maroc au sein de l’Union africaine en 2017, après plus de trois décennies d’absence, a été le symbole de ce repositionnement stratégique.

Au-delà de la diplomatie, la stratégie marocaine repose sur une vision globale : il s’agit de faire du Maroc un pont entre l’Afrique et l’Europe, mais aussi un moteur de développement régional, en s’appuyant sur ses atouts économiques, culturels et religieux.

Diplomatie économique et investissements massifs

L’un des piliers de la stratégie marocaine en Afrique subsaharienne est la diplomatie économique. Les entreprises marocaines, publiques et privées, sont devenues des acteurs majeurs dans des secteurs clés : banques, assurances, télécommunications, BTP, agriculture, énergies renouvelables, santé, formation. Des groupes comme Attijariwafa Bank, Maroc Telecom, BMCE Bank of Africa, Royal Air Maroc, OCP (Office Chérifien des Phosphates) ou encore Managem (mines) sont présents dans des dizaines de pays africains.

Le secteur bancaire marocain, en particulier, s’est imposé comme le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et centrale. Les filiales des banques marocaines financent des projets d’infrastructures, de PME et d’innovation, tout en favorisant l’inclusion financière. L’OCP, leader mondial des phosphates, a lancé d’ambitieux programmes de fertilisation des sols et de formation des agriculteurs, notamment au Nigeria, en Éthiopie et en Côte d’Ivoire.

Le Maroc investit également dans les énergies renouvelables, avec des projets solaires et éoliens exportés vers le Sénégal, le Mali ou le Burkina Faso. Royal Air Maroc, devenue l’une des principales compagnies aériennes du continent, relie Casablanca à plus de 30 capitales africaines, facilitant les échanges humains et économiques.

Coopération religieuse, culturelle et éducative

Le soft power marocain s’appuie aussi sur la dimension religieuse et culturelle. Le royaume, qui se présente comme un modèle d’islam modéré, forme chaque année des centaines d’imams venus d’Afrique subsaharienne dans son Institut Mohammed VI. Cette coopération religieuse vise à lutter contre l’extrémisme, à promouvoir le dialogue interreligieux et à renforcer les liens historiques entre le Maroc et les confréries soufies d’Afrique de l’Ouest.

Sur le plan éducatif, des milliers d’étudiants africains bénéficient de bourses pour étudier dans les universités marocaines, dans des filières aussi variées que la médecine, l’ingénierie, l’agronomie ou les sciences sociales. Ces jeunes diplômés deviennent souvent des relais d’influence et des ambassadeurs du Maroc dans leurs pays d’origine.

La coopération culturelle passe aussi par la promotion de la francophonie, la participation à des festivals, des expositions et des échanges artistiques. Le Maroc accueille régulièrement des événements panafricains et soutient la circulation des œuvres et des artistes du continent.

Leadership diplomatique et médiation régionale

Le Maroc a su capitaliser sur sa position géographique et son image de stabilité pour jouer un rôle de médiateur dans plusieurs crises africaines : processus de paix en Libye, dialogue inter-malien, soutien à la transition en Guinée ou au Soudan. Le royaume mise sur la diplomatie discrète, l’écoute et la confiance tissée avec les élites africaines. Il cherche à apparaître comme un partenaire crédible, non hégémonique, capable de dialoguer avec tous les acteurs.

Cette stratégie de médiation s’accompagne d’un engagement dans les organisations régionales : Union africaine, Cédéao (où le Maroc a demandé son adhésion), Banque africaine de développement, et de multiples forums économiques et sécuritaires.

Défis, critiques et perspectives

Si la stratégie marocaine en Afrique est largement saluée, elle n’est pas exempte de critiques. Certains observateurs dénoncent une forme de néocolonialisme économique, une concurrence parfois rude avec les entreprises locales, ou encore des déséquilibres dans les échanges. D’autres pointent la nécessité pour le Maroc de mieux associer la société civile, de renforcer la transparence et de veiller à l’impact social et environnemental de ses investissements.

Le défi sécuritaire, notamment face à la montée du terrorisme au Sahel et à l’instabilité politique, oblige le Maroc à adapter sa stratégie et à renforcer la coopération en matière de renseignement, de formation des forces de sécurité et de développement local.

À moyen terme, le Maroc ambitionne de devenir un hub régional pour l’innovation, la finance verte, l’agro-industrie et les technologies numériques. Les projets de corridors logistiques, de zones franches et de partenariats Sud-Sud sont au cœur de la vision 2030 du royaume.

Conclusion : un modèle africain en construction

Le Maroc s’impose aujourd’hui comme un acteur clé du développement africain, grâce à une stratégie de coopération ambitieuse, multidimensionnelle et pragmatique. Son expérience, ses succès et ses défis inspirent de nombreux pays du continent, qui cherchent à bâtir des partenariats équilibrés, à valoriser leurs ressources et à renforcer leur souveraineté. La réussite du modèle marocain dépendra de sa capacité à associer croissance économique, inclusion sociale, respect des diversités et solidarité panafricaine.

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