Johannesburg –
L’Afrique du Sud, locomotive industrielle du continent africain, traverse une crise énergétique profonde qui menace non seulement sa croissance, mais aussi sa stabilité sociale et politique. Les délestages électriques à répétition, provoqués par les difficultés chroniques de la compagnie nationale Eskom, touchent tous les secteurs de la société et font craindre une récession prolongée. Analyse d’une crise structurelle aux multiples facettes.
Un quotidien rythmé par les coupures
Depuis début 2025, les Sud-Africains vivent au rythme des coupures de courant, parfois jusqu’à huit heures par jour. Les hôpitaux doivent recourir à des générateurs, les écoles interrompent leurs cours, les commerces ferment plus tôt et les industries tournent au ralenti. Selon la Chambre de commerce sud-africaine, les pertes économiques liées aux délestages s’élèvent à plus de 100 milliards de rands sur le premier semestre.
« Nous avons dû licencier du personnel et réduire la production de moitié », déplore le directeur d’une PME de Pretoria. Le secteur minier, pilier de l’économie, est particulièrement affecté : les interruptions d’électricité perturbent l’extraction et le traitement des minerais, entraînant des retards de livraison et une baisse de la compétitivité à l’export.
Les racines d’une crise systémique
La crise énergétique sud-africaine est le résultat de décennies de sous-investissement, de corruption et de mauvaise gestion au sein d’Eskom. Les retards dans la construction de nouvelles centrales, la vétusté du réseau et la dépendance au charbon aggravent la situation. Les tentatives de diversification vers les énergies renouvelables progressent, mais restent insuffisantes pour compenser le déficit.
Un rapport parlementaire pointe également la politisation de la gestion d’Eskom et l’absence de vision à long terme. « Sans une réforme structurelle en profondeur, la crise risque de s’aggraver », prévient un économiste de la Banque mondiale.
Impact sur la croissance, l’emploi et le climat social
La croissance sud-africaine, qui avait amorcé une reprise fragile après la pandémie, pourrait chuter de plus d’un point en 2025 si la crise persiste. Le chômage, déjà supérieur à 32%, risque d’augmenter, alimentant la frustration sociale et les tensions politiques. Les mouvements de protestation se multiplient, exigeant des solutions rapides et durables.
La confiance des investisseurs, cruciale pour la relance, est ébranlée. Plusieurs multinationales ont gelé leurs projets d’implantation ou menacent de délocaliser leurs activités si la situation ne s’améliore pas.
Les réponses du gouvernement Ramaphosa
Face à l’urgence, le président Cyril Ramaphosa a annoncé un plan d’investissement massif dans les infrastructures énergétiques et la transition verte. Le gouvernement mise sur l’accélération des projets solaires et éoliens, l’ouverture du marché de l’énergie au secteur privé et la lutte contre la corruption au sein d’Eskom. Des partenariats avec la Banque africaine de développement et la Banque mondiale sont en cours de négociation.
Cependant, les résultats tardent à se faire sentir. Les syndicats dénoncent le manque de concertation et craignent des suppressions d’emplois dans les secteurs traditionnels. Les ONG environnementales, elles, appellent à une transition juste et inclusive.
Un enjeu continental
La crise sud-africaine a des répercussions sur toute la région. Plusieurs pays voisins, comme le Botswana et le Zimbabwe, dépendent des exportations d’électricité sud-africaines pour alimenter leurs réseaux. Les coupures en Afrique du Sud provoquent donc des délestages en cascade dans toute l’Afrique australe.
Perspectives et leçons pour l’avenir
La capacité de l’Afrique du Sud à sortir de la crise énergétique déterminera son avenir économique et sa place sur la scène continentale et mondiale. Les experts s’accordent sur la nécessité d’une réforme structurelle, d’un engagement politique fort et d’une mobilisation de tous les acteurs, publics et privés.
La réussite de la transition énergétique, la lutte contre la corruption et la modernisation du secteur seront décisives pour restaurer la croissance et la confiance.