Entre risques de marginalisation et opportunités de réinvention économique
Introduction
En 2025, l’Afrique se retrouve au cœur d’une tempête commerciale mondiale sans précédent. La guerre tarifaire déclenchée par les États-Unis, suivie de mesures de rétorsion de la Chine et d’autres partenaires majeurs, bouleverse les équilibres économiques internationaux. Alors que le FMI a récemment abaissé ses prévisions de croissance pour l’Afrique subsaharienne à 3,8 % pour 2025, contre 4,2 % initialement, le continent fait face à un double défi : éviter la marginalisation dans les échanges mondiaux et saisir l’opportunité de réinventer son modèle économique
La guerre tarifaire mondiale : genèse et mécanismes
Depuis avril 2025, les États-Unis ont imposé des droits de douane quasi universels, ciblant des secteurs stratégiques et provoquant une série de mesures de rétorsion. Cette escalade protectionniste a porté les taux de droits de douane mondiaux à leur plus haut niveau depuis un siècle. La croissance mondiale, initialement attendue à 3,3 %, est révisée à 2,8 % pour 2025, accentuant les incertitudes pour les économies émergentes et en développement51.
L’Afrique : victime collatérale ou acteur stratégique ?
1. Marginalisation des exportations africaines
La guerre tarifaire frappe l’Afrique de plein fouet, notamment via la baisse de la demande mondiale pour ses matières premières (pétrole, minerais, cacao, coton, etc.). Les chaînes de valeur mondiales sont perturbées : retards logistiques, hausse des coûts d’importation, volatilité des devises. Les pays à forte extraversion pétrolière, comme le Nigeria ou l’Angola, voient leurs recettes chuter, tandis que les économies plus diversifiées résistent mieux678.
2. Risque d’exclusion des marchés
La montée du protectionnisme menace l’accès des produits africains aux marchés américains, européens et asiatiques. Les accords préférentiels sont remis en cause, rendant plus difficile la conquête de nouveaux débouchés pour les PME africaines. L’instabilité des règles du jeu décourage les investissements étrangers directs et accentue la volatilité des marchés financiers africains.
3. Inflation et tensions sociales
La hausse des droits de douane sur les produits importés se répercute sur les prix à la consommation, aggravant l’inflation déjà persistante sur le continent. Les ménages, confrontés à la flambée des prix alimentaires et énergétiques, voient leur pouvoir d’achat s’éroder. Cette pression alimente les tensions sociales et les risques de troubles politiques dans plusieurs pays.
Les opportunités d’une crise mondiale
1. Accélération de l’intégration régionale
Face à la fermeture des marchés mondiaux, l’Afrique accélère la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cette dynamique vise à stimuler le commerce intra-africain, à renforcer les chaînes de valeur régionales et à réduire la dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs. Les États investissent dans les infrastructures de transport, d’énergie et de logistique pour faciliter la circulation des biens et des personnes.
2. Relocalisation et industrialisation
La crise offre une opportunité de relocaliser certaines activités industrielles sur le continent. Les gouvernements encouragent la transformation locale des matières premières et le développement de filières à forte valeur ajoutée (agroalimentaire, textile, pharmacie, numérique). L’essor des fintechs, des startups et de l’économie numérique permet de contourner certains obstacles traditionnels à l’industrialisation.
3. Diversification des partenaires et innovation
L’Afrique cherche à diversifier ses partenariats, en se tournant vers l’Asie, le Moyen-Orient et l’Amérique latine. Les financements innovants, le capital-risque et la coopération Sud-Sud deviennent des leviers essentiels pour soutenir la croissance. La montée en puissance de la jeunesse africaine, la créativité entrepreneuriale et l’adoption rapide des technologies numériques constituent des atouts majeurs.
Les défis à relever
- Risque de surendettement : La raréfaction des financements extérieurs et la hausse des taux d’intérêt mondiaux compliquent la gestion de la dette publique, qui atteint 58 % du PIB en Afrique subsaharienne14.
- Inégalités et vulnérabilités : La crise accentue les disparités entre pays et au sein des sociétés africaines. Les économies les moins diversifiées et les plus dépendantes des exportations sont les plus exposées.
- Nécessité de réformes structurelles : Pour tirer parti des opportunités, l’Afrique doit accélérer les réformes en matière de gouvernance, d’environnement des affaires, de fiscalité et d’éducation.
Conclusion ouverte
La guerre tarifaire mondiale place l’Afrique à la croisée des chemins : risque de marginalisation ou chance de réinvention ? Le continent dispose d’atouts pour transformer la crise en levier de développement, à condition de renforcer l’intégration régionale, de diversifier ses économies et d’investir dans l’innovation. L’avenir dépendra de la capacité des dirigeants africains à anticiper, à négocier et à mobiliser les ressources nécessaires pour bâtir une Afrique plus résiliente et souveraine.