En 2024, pour la première fois depuis la crise du Covid-19, la fréquentation des salles de cinéma a reculé dans le monde, enregistrant une baisse de 8,8 % par rapport à 2023. Ce retournement marque la fin d’une période de reprise et pose la question de l’avenir du cinéma en salle, face à la concurrence du streaming, à la mutation des habitudes culturelles et à la transformation de l’industrie du film. Analyse des causes, des conséquences et des perspectives pour le septième art.
Les chiffres d’une baisse inattendue
Après une remontée spectaculaire en 2022 et 2023, portée par la sortie de blockbusters et la soif de culture post-confinement, 2024 a vu le nombre de tickets vendus reculer dans la plupart des grands marchés : -10 % en Europe, -7 % en Amérique du Nord, -12 % en Asie. L’Afrique et l’Amérique latine, qui avaient connu une croissance rapide, enregistrent également un ralentissement.
Les exploitants, les distributeurs et les studios s’interrogent sur les causes de ce coup d’arrêt : inflation, pouvoir d’achat en berne, concurrence des plateformes, évolution des loisirs, grèves à Hollywood et manque de renouvellement de l’offre.
Le streaming, grand gagnant de la crise
La pandémie a accéléré la mutation numérique du secteur. Les plateformes de streaming (Netflix, Disney+, Amazon Prime, Canal+, Showmax en Afrique) continuent de gagner des abonnés, proposant des films en exclusivité, des séries événement et une expérience personnalisée. Les jeunes générations, plus mobiles et connectées, privilégient la flexibilité du visionnage à domicile ou sur smartphone.
Les studios, confrontés à la baisse des recettes en salle, investissent massivement dans le streaming, parfois au détriment de la sortie en salle. Le modèle économique du cinéma est ainsi bouleversé, avec des conséquences sur la production, la distribution et la rémunération des créateurs.
Les nouvelles attentes du public
Le public attend des expériences immersives, des événements, des festivals, des rencontres avec les artistes. Les cinémas qui résistent sont ceux qui innovent : salles premium, projection 4D, ciné-concerts, programmation thématique, partenariats avec les écoles et les associations. La fidélisation passe par la création de communautés, la personnalisation des offres et l’ancrage local.
En Afrique, la montée en puissance des cinémas multiplexes (Cinépolis, CanalOlympia, Silverbird), la valorisation du cinéma local (Nollywood, cinéma francophone, films panafricains) et l’émergence de festivals (FESPACO, Durban, Marrakech) offrent des perspectives de croissance, à condition d’adapter les modèles aux réalités économiques et culturelles.
Les défis de la création et de la diversité
La baisse de la fréquentation menace la diversité de l’offre : films d’auteur, documentaires, productions indépendantes peinent à trouver leur public. Les studios privilégient les franchises, les suites et les blockbusters, au risque d’uniformiser le paysage cinématographique. Les réalisateurs africains, asiatiques et latino-américains appellent à un soutien accru à la création, à la coproduction et à la diffusion internationale.
Les politiques publiques, les fonds de soutien et les partenariats internationaux sont essentiels pour garantir la diversité, la formation des talents et la circulation des œuvres.
Perspectives et réinvention du cinéma
L’industrie du film doit se réinventer : hybridation des formats, expériences immersives, interaction avec le public, développement de nouveaux récits. Les cinémas peuvent devenir des lieux de vie, de débat, d’éducation et de rencontre, au-delà de la simple projection.
La montée de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle et des technologies immersives ouvre de nouveaux horizons pour la création, la narration et la diffusion. L’Afrique, avec sa jeunesse, sa créativité et son dynamisme, peut jouer un rôle clé dans cette nouvelle ère.
Conclusion
La baisse de la fréquentation des cinémas mondiaux en 2024 est un signal d’alerte, mais aussi une invitation à l’innovation, à la diversité et à la réinvention du septième art. Le cinéma, art du collectif et de l’émotion partagée, a encore de beaux jours devant lui, à condition de s’adapter aux mutations de la société.