Un partenaire discret mais actif sur le continent africain
Longtemps cantonnée à la marge des relations internationales, la Corée du Nord n’a jamais totalement disparu du paysage diplomatique africain. Depuis les années 1960, Pyongyang a tissé des liens, parfois surprenants, avec de nombreux pays africains, surfant sur la vague des indépendances, du non-alignement et des solidarités anti-impérialistes. Aujourd’hui, alors que le régime nord-coréen fait face à un isolement croissant sur la scène mondiale, l’Afrique reste un terrain de manœuvre, d’opportunités et de défis.
Héritage historique : des alliances forgées dans la lutte anticoloniale
La présence nord-coréenne en Afrique s’est d’abord construite sur le soutien aux mouvements de libération. Pyongyang a formé des cadres militaires, fourni des armes et offert une assistance technique à des pays comme l’Angola, le Zimbabwe, la Guinée ou la République du Congo. Des monuments, des stades, des palais présidentiels bâtis par des ouvriers nord-coréens témoignent encore de cette coopération. Le mausolée de Laurent-Désiré Kabila à Kinshasa ou le Musée national de Namibie portent la marque de l’architecture nord-coréenne.
Les ressorts actuels de la diplomatie nord-coréenne en Afrique
Aujourd’hui, la Corée du Nord mise sur la discrétion et la diversification. Les ambassades de Pyongyang restent actives dans une vingtaine de pays africains, notamment en Éthiopie, en Égypte, en Ouganda ou en Guinée équatoriale. Les échanges commerciaux, bien que limités par les sanctions internationales, se poursuivent : exportation de main-d’œuvre, de biens manufacturés, de technologies agricoles ou de services de construction. La Corée du Nord propose aussi des formations militaires, des conseils en sécurité et des équipements à certains régimes en quête d’autonomie stratégique.
Pyongyang et les enjeux de sécurité en Afrique
La coopération militaire reste un pilier de la présence nord-coréenne. Des rapports de l’ONU ont documenté la fourniture d’armes, de munitions et de technologies balistiques à des États ou groupes armés africains, en violation des embargos. Des instructeurs nord-coréens auraient formé des unités spéciales en RDC, en Ouganda ou au Mozambique. Ces activités, souvent clandestines, posent question sur la capacité de l’Afrique à contrôler ses frontières et à respecter les résolutions internationales.
Commerce, chantiers et main-d’œuvre : une économie de la débrouille
Face aux sanctions, la Corée du Nord a développé une économie de survie en Afrique. Des milliers de travailleurs nord-coréens, souvent employés sur des chantiers publics ou privés, envoient des devises à Pyongyang. Des entreprises nord-coréennes proposent leurs services dans la construction, la santé, l’agriculture ou l’industrie légère. Les échanges restent marginaux à l’échelle du continent, mais ils permettent au régime de contourner partiellement l’isolement et de maintenir des réseaux d’influence.
L’Afrique, terrain de jeu diplomatique entre grandes puissances
La présence nord-coréenne en Afrique s’inscrit dans une compétition plus large avec la Chine, la Russie, les États-Unis, la France ou la Turquie. Pyongyang cherche à obtenir le soutien des pays africains à l’ONU, à éviter l’isolement total et à peser sur les débats internationaux. Certains États africains, soucieux de préserver leur souveraineté et de diversifier leurs partenaires, entretiennent des relations pragmatiques avec la Corée du Nord, tout en affichant leur attachement au multilatéralisme.
Les risques et les limites de la coopération
La coopération avec la Corée du Nord expose les pays africains à des risques : sanctions internationales, perte de crédibilité, tensions avec les partenaires occidentaux. Les activités illicites (trafic d’armes, contournement des embargos, blanchiment) peuvent fragiliser la sécurité et la stabilité régionales. Les États africains doivent arbitrer entre la recherche de partenariats alternatifs et le respect de leurs engagements internationaux.
Vers une nouvelle donne ? Les perspectives d’avenir
L’avenir des relations entre la Corée du Nord et l’Afrique dépendra de plusieurs facteurs : évolution du régime à Pyongyang, pression des sanctions, dynamique des alliances mondiales, capacité des sociétés africaines à exiger plus de transparence et de responsabilité. La montée en puissance de la société civile, la digitalisation de l’économie et la diversification des partenariats pourraient réduire l’influence nord-coréenne à moyen terme.
L’Afrique, forte de son expérience du non-alignement et de la diplomatie multilatérale, peut jouer un rôle de médiateur, de pont ou de contrepoids dans les relations avec la Corée du Nord. La clé sera de privilégier l’intérêt des populations, le respect du droit international et la recherche de solutions innovantes aux défis communs.