La démission du chef adjoint de la police kényane, survenue le 17 juin 2025, après la mort tragique du blogueur influent Ojwang, a plongé le pays dans une profonde crise de confiance envers ses institutions sécuritaires. Cet événement, qui fait la une de l’actualité kényane et internationale, soulève des questions cruciales sur l’état de la démocratie, la liberté d’expression et la lutte contre les violences policières au Kenya.
Un blogueur symbole de la liberté d’expression
Ojwang, figure montante de la blogosphère kényane, s’était imposé ces dernières années comme un défenseur infatigable de la transparence, de la justice sociale et des droits humains. Ses enquêtes, souvent dérangeantes pour le pouvoir, avaient mis en lumière des affaires de corruption, d’abus de pouvoir et de violences policières, le plaçant à plusieurs reprises dans le viseur des autorités.
Sa mort, dans des circonstances encore floues, a provoqué une onde de choc à Nairobi et dans tout le pays. Selon les premiers éléments de l’enquête, Ojwang aurait succombé à des blessures infligées lors d’une intervention policière musclée dans le quartier populaire de Kibera, alors qu’il couvrait une manifestation contre la vie chère.
La police kényane sous le feu des critiques
La réaction de la société civile et des organisations de défense des droits humains a été immédiate. Des manifestations spontanées ont éclaté à Nairobi, Mombasa et Kisumu, exigeant la vérité sur les circonstances de la mort du blogueur et la fin de l’impunité policière. Les réseaux sociaux, où Ojwang était très suivi, se sont transformés en tribunes de protestation, avec le hashtag #JusticeForOjwang en tête des tendances.
Face à la pression populaire et aux critiques internationales, le chef adjoint de la police, accusé de couvrir les exactions de ses hommes, a présenté sa démission. Un geste salué par certains comme un premier pas vers la justice, mais jugé insuffisant par beaucoup, qui réclament une refonte en profondeur des forces de sécurité.
Une crise institutionnelle majeure
La démission du haut responsable policier met en lumière les failles structurelles du système sécuritaire kényan. Depuis plusieurs années, les rapports d’ONG internationales, telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch, dénoncent la récurrence des violences policières, l’usage disproportionné de la force lors des manifestations et l’absence de poursuites contre les agents impliqués dans des bavures.
Le gouvernement kényan, sous la pression de la communauté internationale, a promis l’ouverture d’une enquête indépendante et la mise en place de réformes. Mais la défiance de la population reste forte, alimentée par des décennies d’impunité et de scandales non résolus.
Le rôle clé des médias et de la société civile
Dans ce contexte, le rôle des médias indépendants et de la société civile apparaît plus crucial que jamais. Les journalistes, blogueurs et activistes, souvent exposés à des menaces, continuent de dénoncer les abus et de porter la voix des victimes. Leur mobilisation, malgré les risques, témoigne de la vitalité démocratique du Kenya et de la volonté d’une partie croissante de la population d’exiger des comptes à ses dirigeants.
Analyse : vers une refondation de la sécurité au Kenya ?
La mort d’Ojwang et la démission du chef adjoint de la police pourraient-elles marquer un tournant ? Certains observateurs y voient l’opportunité d’engager une refondation profonde des institutions sécuritaires, basée sur la transparence, la responsabilité et le respect des droits humains. Mais le chemin sera long, tant les résistances internes et les intérêts en jeu sont puissants.
Pour nombre de Kényans, la justice pour Ojwang ne sera obtenue que lorsque les auteurs de sa mort seront jugés et que des réformes concrètes seront mises en œuvre pour garantir la sécurité de tous, sans discrimination ni violence arbitraire.
Conclusion
La crise actuelle, si elle est bien gérée, pourrait ouvrir la voie à une transformation salutaire du secteur sécuritaire kényan. Mais elle exige courage politique, engagement citoyen et soutien international. Le Kenya, souvent présenté comme un modèle de stabilité en Afrique de l’Est, joue ici une partie décisive pour l’avenir de sa démocratie et la protection des libertés fondamentales.