L’industrie du cinéma mondial traverse une révolution silencieuse. Entre Hollywood, géant historique, et Nollywood, deuxième producteur mondial en volume, une dynamique inédite se joue : celle d’une hybridation culturelle où l’Afrique ne se contente plus de raconter ses histoires, mais les exporte et les monétise sur la scène mondiale.
Dans les années 2000, Nollywood était encore synonyme de films bricolés et de marchés populaires. Vingt ans plus tard, l’industrie nigériane s’est professionnalisée, numérisée et mondialisée. Netflix, Prime Video et Canal+ ont ouvert des bureaux à Lagos, accélérant un boom créatif sans précédent. L’Afrique devient une terre de narrations et de profits.
Mais cette ascension n’échappe pas à la logique de pouvoir. Hollywood, loin d’ignorer le phénomène, s’approprie l’énergie africaine à travers des coproductions et des casting pan‑africains. De The Woman King à Black Panther, les blockbusters américains s’ouvrent aux visages noirs et aux identités diasporiques, mais souvent sans abandonner leurs codes hégémoniques.
L’enjeu aujourd’hui n’est plus l’existence de l’Afrique dans le cinéma mondial, mais le contrôle de son narratif. Les plateformes OTT deviennent le nouveau champ de bataille : Netflix et Disney+ cherchent des contenus africains originaux, tandis que Showmax, Ibaka TV et Boomplay développent des models locaux de diffusion régionale.
Ce choc de cultures s’accompagne d’une renaissance artistique. Les réalisateurs africains comme Kemi Adetiba, Mati Diop, Jade Osiberu ou Wanuri Kahiu incarnent la fusion entre production locale et perfection technique. Les séries nigérianes, sud‑africaines et ghanéennes se hissent désormais dans les tops mondiaux. L’Afrique raconte son cosmopolitisme, ses contradictions, ses héroïnes complexes et ses villes vibrantes.
Mais la bataille des plateformes pose une question fondamentale : quelle est la valeur réelle du contenu africain dans la chaîne de valeur mondiale ? Produire n’est pas suffisant — encore faut‑il détenir les droits, les données et les revenus. Or, la majorité des droits de diffusion sont achetés par les majors étrangères, privant les créateurs africains d’une part durable des bénéfices.
Pourtant, une réponse africaine s’organise. Des fonds de soutien culturel panafricains, des festivals internationaux à Johannesburg, Dakar, Ouagadougou et Tunis se mobilisent pour bâtir une distribution continentale. L’objectif est clair : créer une infrastructure cinématographique intégrée qui évite que la culture africaine ne soit simplement exportée comme matière première symbolique.
Entre fusion et résistance, le dialogue Hollywood‑Nollywood incarne la renaissance mondiale des imaginaires. Demain, le cinéma global ne parlera plus anglais ou français — il parlera africain.