Le débat sur l’emploi des seniors en France connaît un nouveau tournant avec la proposition de François Bayrou, président du MoDem et haut-commissaire au Plan, d’instaurer une « prime » destinée à encourager le maintien en activité des travailleurs âgés. Cette mesure, présentée lors d’une réunion avec les partenaires sociaux le 16 juin 2025, intervient dans un contexte de vieillissement accéléré de la population, de tensions sur le marché du travail et de remise en question du modèle de retraite par répartition. Analyse d’un pari sur la solidarité intergénérationnelle, entre nécessité économique et défi sociétal.
Un contexte de vieillissement et de pénurie de main-d’œuvre
La France, à l’instar de la plupart des pays européens, fait face à un défi démographique majeur : l’allongement de la durée de vie et la baisse du taux de natalité conduisent à un vieillissement rapide de la population active. Selon l’INSEE, d’ici 2030, un quart des Français aura plus de 65 ans, et la proportion de seniors sur le marché du travail ne cesse d’augmenter.
Dans le même temps, de nombreux secteurs – santé, éducation, industrie, services – peinent à recruter, faute de candidats qualifiés. Cette pénurie de main-d’œuvre menace la compétitivité de l’économie, la qualité des services publics et la pérennité du système de protection sociale.
La proposition Bayrou : une prime pour inciter au maintien en emploi
C’est dans ce contexte que François Bayrou a proposé la création d’une « prime » accordée aux entreprises qui maintiennent ou recrutent des salariés âgés de plus de 60 ans. L’objectif affiché est double : lutter contre les discriminations liées à l’âge, souvent responsables de mises à l’écart précoces, et valoriser l’expérience des seniors comme un atout pour la transmission des savoirs et la cohésion des équipes.
La mesure, qui pourrait prendre la forme d’un crédit d’impôt ou d’une subvention directe, serait conditionnée à des engagements en matière de formation, d’adaptation des postes de travail et de gestion des fins de carrière. Elle s’inscrit dans une logique de dialogue social, en concertation avec les syndicats et le patronat.
Un accueil contrasté des partenaires sociaux
Les réactions à la proposition de François Bayrou sont partagées. Du côté des syndicats, certains saluent un signal positif en faveur de l’inclusion professionnelle des seniors, longtemps considérés comme une variable d’ajustement lors des plans sociaux. D’autres pointent le risque d’effets d’aubaine pour les entreprises, qui pourraient bénéficier de la prime sans véritablement changer leurs pratiques.
Le patronat, quant à lui, se montre prudent, insistant sur la nécessité d’une approche globale incluant la prévention de la pénibilité, l’adaptation des conditions de travail et la lutte contre les préjugés. Plusieurs fédérations professionnelles réclament également une simplification des dispositifs existants et une meilleure articulation avec la réforme des retraites.
Les enjeux économiques et sociaux
Le maintien en emploi des seniors est un enjeu clé pour l’équilibre du système de retraite, fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Plus les actifs travaillent longtemps, plus ils contribuent au financement des pensions et à la croissance économique. À l’inverse, une sortie précoce du marché du travail pèse sur les finances publiques et accroît le risque de précarité chez les personnes âgées.
Mais au-delà des considérations budgétaires, la question de l’emploi des seniors renvoie à des enjeux de dignité, de reconnaissance et de transmission. Permettre à chacun de choisir librement le moment de sa retraite, sans subir de discrimination, est un impératif de justice sociale.

Les expériences étrangères : des modèles à suivre ?
Plusieurs pays européens ont déjà mis en place des dispositifs incitatifs pour favoriser l’emploi des seniors. En Allemagne, le « Flexi-Rente » permet d’aménager la transition entre activité et retraite, tandis que la Suède mise sur la formation continue et l’adaptation des postes. Le Danemark, de son côté, valorise le tutorat intergénérationnel et la participation des seniors à la vie associative.
Ces exemples montrent qu’il n’existe pas de solution unique, mais que la réussite passe par une combinaison de mesures économiques, sociales et culturelles, adaptées aux spécificités nationales.
Analyse : un pari sur la solidarité intergénérationnelle
La proposition de François Bayrou s’inscrit dans une vision de la société fondée sur la solidarité entre les générations. Elle invite à repenser le rapport au travail, à l’âge et à la transmission, dans une perspective d’inclusion et de partage des responsabilités.
Mais pour réussir, cette politique devra s’accompagner d’un changement de regard sur les seniors, d’une lutte résolue contre les stéréotypes et d’un investissement massif dans la formation tout au long de la vie. Elle suppose aussi une mobilisation de l’ensemble des acteurs – pouvoirs publics, entreprises, syndicats, associations – autour d’un objectif commun : permettre à chacun de vieillir dignement, en restant acteur de sa vie professionnelle et sociale.
Conclusion
La « prime » proposée par François Bayrou pour le maintien en emploi des seniors ouvre un débat essentiel sur l’avenir du travail et de la solidarité en France. Entre nécessité économique et exigence de justice sociale, elle pose les jalons d’une société plus inclusive, où chaque génération a sa place et son rôle à jouer.