Introduction
Malgré son surnom de « château d’eau de l’Afrique », l’Éthiopie lutte contre une crise hydrique multiforme. Entre sécheresses récurrentes, infrastructures défaillantes et pression démographique (+2,6 %/an), 22 millions de personnes peinent à accéder à une eau potable. Cet article explore les défis et solutions d’un pays où l’or bleu cristallise espoirs et tensions.
Un paradoxe hydrique
Avec 848 mm de pluie annuels et des réserves estimées à 122 milliards de m³, l’Éthiopie dispose d’un potentiel sous-exploité. Pourtant, la disponibilité par habitant a chuté de 13 % entre 2012 et 2017, passant à 1 146 m³/an. Le programme One WASH vise 98 % d’accès à l’eau en zone rurale d’ici 2025, mais les retards s’accumulent : seuls 10 % des Éthiopiens bénéficient d’un assainissement de base, contre 25 % en milieu urbain.
Initiatives locales : Pompes manuelles et panneaux solaires
Dans le Wollega Est, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a transformé le quotidien de 12 500 personnes grâce à :
- 7 captages de sources protégées
- 5 nouvelles pompes manuelles
- 8 pompes réhabilitées
« Avant, nous buvions l’eau des étangs. Maintenant, les enfants ne tombent plus malades », témoigne un villageois2.
À Hamousite (région du Farta), un système innovant combine forage profond (60 m), panneaux solaires et réservoir de 75 m³. Quatre bornes-fontaines approvisionnent désormais 1 800 habitants, réduisant les corvées d’eau des femmes – auparavant contraintes de parcourir 10 km avec des bidons de 25 litres.
Le barrage Renaissance : Fièvre hydroélectrique et tensions régionales
Avec ses 74 milliards de m³ de capacité, le Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD) incarne l’ambition nationale. Objectif : produire 6 450 MW (doublant la capacité électrique du pays) et exporter vers le Soudan ou le Kenya. Mais l’Égypte craint un impact sur le débit du Nil (68 % de ses eaux proviennent du Nil Bleu éthiopien), menaçant son agriculture et sa sécurité alimentaire5.
Urgences climatiques : Sécheresses et crues en cascade
Le changement climatique exacerbe les crises :
- +175 % d’insécurité alimentaire en 5 ans (22 millions de personnes concernées)
- Crues soudaines 20 fois plus fréquentes depuis 2000
- 91 % des agriculteurs dépendent exclusivement de la pluie3
À Baidoa (Somalie voisine), un paysan décrit : « Les pluies sont tardives, voire inexistantes. L’an dernier, j’ai tout perdu ». En zones rurales éthiopiennes, les femmes consacrent jusqu’à 30 minutes/jour à la collecte d’eau, temps perdu pour l’éducation ou les activités génératrices de revenus36.
Conclusion : Entre souveraineté et coopération
Si les projets locaux (pompes, panneaux solaires) soulagent ponctuellement, l’Éthiopie doit concilier :
- Modernisation des infrastructures (forages profonds, réseaux urbains)
- Gestion transfrontalière (apaisement des tensions autour du GERD)
- Adaptation climatique (retenues collinaires, irrigation goutte-à-goutte)
Comme le rappelle Oxfam, « l’Afrique subsaharienne ne reçoit que 3 à 4 % des financements climatiques mondiaux » – un déséquilibre qui hypothèque l’accès universel à l’eau3.