Éducation : Réformes éducatives au Sénégal – Entre ambitions et défis pour l’emploi des jeunes

Introduction
Face à une jeunesse représentant 75 % de la population et un taux de chômage des jeunes atteignant 35 %, le Sénégal engage une refonte ambitieuse de son système éducatif. Annoncées par le Premier ministre Ousmane Sonko, ces réformes visent à aligner l’éducation sur les besoins économiques et sociaux du pays. Entre intégration des langues nationales, modernisation des infrastructures et révision des curricula, cet article analyse les mesures clés et leurs implications pour l’emploi des jeunes.

Pilier 1 : Redéfinition des curricula et valorisation du multilinguisme
Le gouvernement mise sur une refonte des programmes scolaires pour renforcer la souveraineté nationale et l’employabilité. Parmi les mesures phares :

  • Introduction de l’anglais dès l’élémentaire, visant à préparer les élèves aux marchés régionaux et internationaux23.
  • Enseignement des mathématiques et sciences en langues nationales (wolof, pulaar, etc.) dans 13 académies, contre 9 auparavant6.
  • Révision des examens (CFEE, BFEM, BAC) pour évaluer des compétences pratiques plutôt que des savoirs théoriques2.

« L’éducation doit former des citoyens critiques, créatifs et acteurs du changement », souligne Tchanlandjou Kpare d’Ashoka Sahel, appuyant une pédagogie interactive3. Cette approche s’inscrit dans la Nouvelle Initiative pour la Transformation Humaniste de l’Éducation (NITHÉ), promouvant l’innovation et les valeurs citoyennes34.

Pilier 2 : Intégration des daaras et réduction des inégalités
Les écoles coraniques traditionnelles (daaras), longtemps marginalisées, sont désormais intégrées au système éducatif formel. Le projet de loi sur le statut des daaras prévoit :

  • Reconnaissance académique des diplômes délivrés.
  • Formation pédagogique des maîtres coraniques.
  • Accès aux subventions publiques et infrastructures de base12.

Parallèlement, le gouvernement déploie un programme d’urgence pour réhabiliter les écoles vétustes :

  • Résorption des abris provisoires (salles de classe en paillote).
  • Rénovation des internats avec amélioration de l’hygiène et de la sécurité45.
  • Distribution de kits scolaires aux familles vulnérables et recrutement de 5 000 enseignants supplémentaires4.

Pilier 3 : Numérisation et adaptation aux défis du XXIᵉ siècle
Le plan de digitalisation vise à combler le retard technologique :

  • Création d’une filière numérique dès la rentrée 2024-2025, incluant codage et gestion de données24.
  • Équipement des salles de classe en outils technologiques (tablettes, tableaux interactifs).
  • Formation des enseignants aux pédagogies digitales, avec l’appui de partenaires comme l’UNESCO7.

« Les technologies connectent les jeunes aux ressources éducatives et aux opportunités professionnelles », explique M. Kpare, soulignant leur rôle dans la lutte contre le chômage3.

Défis persistants : Financement, formation et adhésion sociale
Malgré ces avancées, plusieurs obstacles menacent la réussite des réformes :

  • Manque de moyens financiers : Seuls 3 à 4 % des financements climatiques mondiaux atteignent l’Afrique subsaharienne, limitant les investissements éducatifs5.
  • Résistance culturelle : L’enseignement en langues nationales suscite des craintes chez les parents, attachés au français comme langue de promotion sociale6.
  • Insertion professionnelle incertaine : Aucun mécanisme clair ne lie les nouvelles filières (numérique, agroécologie) aux bassins d’emploi locaux.

La COSYDEP alerte sur l’urgence d’accélérer les réformes, notamment pour :

  • Réduire la déperdition scolaire (actuellement à 10 %).
  • Scolariser 1,5 million d’enfants encore exclus du système5.
  • Impliquer les communautés locales dans la gouvernance des établissements1.

Impact sur l’emploi des jeunes : Promesses et limites
Les réformes pourraient transformer l’employabilité des jeunes si elles sont menées à bien :

  • Secteur numérique : La filière tech vise à former 20 000 spécialistes d’ici 2030, répondant à la demande croissante en cybersécurité et intelligence artificielle.
  • Agriculture et énergies vertes : Les curricula intègrent désormais des modules sur l’agroécologie et les énergies renouvelables, secteurs porteurs dans un pays où 60 % de la population vit de l’agriculture.
  • Partnerships public-privé : Des entreprises s’engagent à recruter des diplômés des filières professionnalisantes (BTP, tourisme)4.

Cependant, le risque d’un décalage entre formations et emplois réels persiste. « Sans diversification économique, les compétences acquises resteront sous-utilisées », met en garde Cheikh Mbow de la COSYDEP1.

Conclusion : Vers un modèle éducatif intégré ?
Le Sénégal tente de concilier héritage culturel (daaras, langues locales) et modernité technologique, dans un contexte de pression démographique et budgétaire. La réussite dépendra de :

  1. L’allocation de ressources durables, incluant des fonds innovants (taxes sur les multinationales, financements climatiques).
  2. La coordination entre ministères (Éducation, Formation professionnelle, Emploi) pour aligner formations et besoins économiques.
  3. L’évaluation participative des réformes, associant enseignants, parents et secteur privé.

« L’éducation ne peut plus être un simple transfert de savoirs », résume Tchanlandjou Kpare3. Alors que le pays prépare les Jeux Olympiques de la Jeunesse 2026, ces réformes représentent un autre marathon – celui de bâtir un système éducatif résilient, capable de transformer le dividende démographique en opportunités concrètes.

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