Dossier  Africanova Visions – Élections et vie politique au Cameroun – Les jeunes loups de la politique camerounaise : Eto’o, Cabral Libii et la quête d’alternance face aux appareils établis

L’élection présidentielle camerounaise d’octobre 2025 s’annonce comme un tournant politique majeur dans un pays où Paul Biya règne sans partage depuis plus de 40 ans. Au cœur de cette échéance, une nouvelle génération de leaders politiques, incarnée par des figures comme Cabral Libii et Samuel Eto’o, tente de s’imposer face aux appareils traditionnels du RDPC et aux notables déjà bien installés dans le système. Ce dossier analyse la place de ces jeunes loups dans le paysage politique camerounais, leurs stratégies, leurs forces et faiblesses, ainsi que les perspectives d’alternance qu’ils peuvent réellement incarner.

I. Le paysage politique camerounais en 2025 : un système verrouillé

Le Cameroun est depuis 1982 sous la présidence de Paul Biya, à la tête du RDPC, parti dominant le paysage politique. Ce long règne a permis au régime de construire un appareil politique solide, reposant sur un réseau dense d’élus, de notables et de relais locaux. Ce système clientéliste contrôle les institutions, les médias publics et les mécanismes électoraux, limitant fortement les marges de manœuvre de l’opposition.

Malgré cela, plusieurs figures de l’opposition se sont imposées ces dernières années, notamment Maurice Kamto et Cabral Libii. Ces leaders, souvent jeunes et issus de la société civile ou du monde universitaire, revendiquent un renouveau politique et une rupture avec le régime en place.

II. Samuel Eto’o et Cabral Libii : figures montantes et stratégies politiques

Samuel Eto’o : la star du football devenue acteur politique

Samuel Eto’o, ancien capitaine de l’équipe nationale et star internationale du football, a surpris le paysage politique en annonçant son engagement politique actif. Sa notoriété et son image de réussite sociale lui confèrent un capital symbolique important, notamment auprès des jeunes et des populations urbaines.

Toutefois, son manque d’expérience politique et son positionnement encore flou sur certains dossiers clés limitent sa crédibilité auprès des élites politiques et des électeurs plus traditionnels. Eto’o incarne avant tout un espoir de changement incarné par une figure populaire, mais doit encore construire un programme politique cohérent et une organisation solide.

Cabral Libii : le « Macron camerounais » et l’art de la coalition

Cabral Libii, président du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), est considéré comme l’un des jeunes loups les plus sérieux de l’opposition. Député à l’Assemblée nationale, il a terminé troisième de la présidentielle de 2018, ce qui lui confère une légitimité certaine.

Sa stratégie repose sur la formation d’une coalition large, mêlant partis politiques, associations de la société civile et personnalités influentes. Deux options sont envisagées : une coalition pour une transition refondatrice, avec réécriture de la Constitution et du Code électoral, ou une coalition « Cabral président » où il serait le candidat unique.

Cabral Libii mise sur un discours de rassemblement et de réconciliation nationale, insistant sur la nécessité d’une transition pacifique et d’une gouvernance transparente. Toutefois, il doit composer avec les divisions internes à l’opposition et la méfiance de certains acteurs, notamment vis-à-vis de ses liens passés avec le régime.

III. Face aux appareils et notables établis : défis et obstacles

Les jeunes leaders politiques camerounais doivent affronter un système politique verrouillé par le RDPC, qui contrôle les leviers du pouvoir et dispose d’une machine électorale rodée. Le parti au pouvoir bénéficie d’un réseau clientéliste puissant, d’un contrôle sur les médias publics et d’une influence sur les institutions chargées d’organiser les élections.

Les notables locaux, souvent issus des grandes familles ou des élites traditionnelles, jouent un rôle clé dans la mobilisation des électeurs et dans la gestion des ressources. Ils sont souvent réticents à soutenir des candidats perçus comme « outsiders » ou trop critiques envers le système en place.

De plus, l’opposition est fragmentée, avec des rivalités entre leaders et des stratégies divergentes. Cette division affaiblit la capacité à présenter une offre politique crédible et unie face au RDPC.

IV. L’alternance est-elle possible ? Perspectives pour demain

L’idée d’une alternance politique au Cameroun est portée par une partie de la population, notamment les jeunes, qui aspirent à un changement profond. Cependant, plusieurs facteurs limitent cette perspective :

  • Le contrôle institutionnel du RDPC : la commission électorale, la justice et les forces de sécurité sont perçues comme biaisées en faveur du régime.
  • La répression politique : arrestations, intimidations et restrictions des libertés limitent la mobilisation de l’opposition.
  • La fragmentation de l’opposition : absence d’un candidat unique et de coalition solide affaiblit la capacité de contestation.
  • Le poids des habitudes politiques : une partie de l’électorat reste fidèle au RDPC, par clientélisme ou par crainte de l’instabilité.

Pour que l’alternance soit crédible, il faudrait une coalition large et cohérente, une mobilisation citoyenne massive, ainsi qu’une pression internationale pour garantir un scrutin transparent.

V. Les jeunes loups à la hauteur ?

Samuel Eto’o et Cabral Libii incarnent une nouvelle génération politique qui pourrait incarner le changement. Leur jeunesse, leur popularité et leur capacité à mobiliser les jeunes sont des atouts majeurs. Toutefois, ils doivent encore prouver leur capacité à gérer la complexité politique, à construire des alliances solides et à proposer un programme clair et réaliste.

L’expérience politique limitée d’Eto’o et les hésitations stratégiques de Cabral Libii montrent que la route vers l’alternance est semée d’embûches. La réussite dépendra aussi de leur aptitude à dépasser les divisions internes et à convaincre un électorat souvent désabusé.

Conclusion

L’élection présidentielle camerounaise de 2025 se jouera entre un régime solidement ancré et une opposition jeune mais divisée. Samuel Eto’o et Cabral Libii représentent l’espoir d’une nouvelle génération, mais devront affronter un système politique verrouillé et des appareils bien établis. L’alternance est un défi de taille, mais la dynamique est en marche. La capacité de ces jeunes leaders à fédérer, à convaincre et à résister aux pressions déterminera l’avenir politique du Cameroun.

Related posts

Intensification des opérations militaires israéliennes à Gaza – bilan humain et enjeux humanitaires

Élections législatives en Australie – Victoire du Parti travailliste d’Anthony Albanese et perspectives politiques

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en 2025 – Implications politiques et diplomatiques mondiales