La déscolarisation demeure l’un des grands défis du continent africain, malgré les progrès enregistrés au cours des deux dernières décennies. On estime qu’en 2025, plus de 32 millions d’enfants africains en âge de fréquenter l’école primaire ne sont pas scolarisés, tandis que des millions d’autres abandonnent le système éducatif avant la fin du cycle secondaire. Ce phénomène, aux causes multiples, compromet gravement les perspectives de développement, d’inclusion sociale et de réduction de la pauvreté.
Les raisons de la déscolarisation sont diverses et souvent imbriquées. La pauvreté reste le principal obstacle : dans de nombreuses familles rurales ou urbaines précaires, le coût des fournitures, des uniformes, des transports ou des repas scolaires est prohibitif. Les enfants sont alors contraints de travailler pour contribuer aux revenus du foyer ou d’assumer des tâches domestiques. Les conflits armés, l’insécurité et les déplacements de population aggravent la situation, en particulier dans le Sahel, la région des Grands Lacs ou le bassin du lac Tchad, où des écoles sont détruites, occupées ou fermées pour des raisons de sécurité.
Les inégalités de genre pèsent également lourdement sur la scolarisation. Les filles sont souvent les premières à être retirées de l’école en cas de difficultés économiques ou de crise, et sont exposées aux mariages précoces, aux grossesses non désirées et aux violences de genre. Les enfants en situation de handicap, les minorités ethniques ou linguistiques, et les populations nomades sont aussi particulièrement vulnérables à l’exclusion scolaire.
Face à ce constat, de nombreuses initiatives ont vu le jour, portées par les États, les ONG, les organisations internationales et les communautés locales. Plusieurs pays africains ont adopté la gratuité de l’enseignement primaire, accompagné de programmes de cantines scolaires, de distribution de fournitures ou de bourses pour les familles les plus démunies. Ces mesures ont permis une hausse significative des taux de scolarisation, notamment dans des pays comme le Rwanda, l’Éthiopie ou le Maroc.
Des innovations pédagogiques sont également mises en œuvre pour répondre aux besoins spécifiques des enfants déscolarisés. Les écoles communautaires, les classes mobiles, l’enseignement à distance via la radio, la télévision ou les applications mobiles, ainsi que les programmes de rattrapage accéléré permettent de toucher les enfants marginalisés ou vivant dans des zones reculées. Les partenariats public-privé, l’implication des entreprises et des fondations, et le recours à l’économie sociale et solidaire contribuent à diversifier les ressources et les approches.
La mobilisation des communautés joue un rôle essentiel dans la lutte contre la déscolarisation. Les comités de parents d’élèves, les associations de femmes, les chefs traditionnels et religieux sont de plus en plus impliqués dans la sensibilisation, la surveillance de la fréquentation scolaire et la lutte contre les pratiques discriminatoires. L’accent est mis sur l’importance de l’éducation des filles, la prévention des mariages précoces et la promotion de l’égalité des chances.
Les résultats de ces initiatives sont encourageants, même si des défis subsistent. Le taux net de scolarisation primaire en Afrique subsaharienne est passé de 59 % en 2000 à plus de 80 % en 2024. Les écarts entre filles et garçons se réduisent progressivement, et des progrès notables sont enregistrés dans l’accès à l’enseignement secondaire et technique. Les innovations numériques, l’introduction de langues locales dans l’enseignement, et la formation continue des enseignants contribuent à améliorer la qualité et la pertinence de l’éducation.
Cependant, la pandémie de COVID-19 a rappelé la fragilité des acquis, avec des fermetures prolongées d’écoles, une augmentation des abandons et une aggravation des inégalités. La relance de l’éducation nécessite des investissements accrus, une meilleure gouvernance et une adaptation aux nouveaux défis, notamment le changement climatique, la mobilité des populations et l’évolution des besoins du marché du travail.
Pour garantir le droit à l’éducation pour tous, il est indispensable de renforcer la coordination entre acteurs, d’impliquer davantage les jeunes et les familles, et de promouvoir une éducation inclusive, innovante et résiliente. La lutte contre la déscolarisation est une priorité absolue pour l’Afrique, condition sine qua non de son développement, de sa stabilité et de sa prospérité future.