Une présidentielle sous tension et sous surveillance
Le 4 juin 2025, la Commission électorale indépendante (CEI) de Côte d’Ivoire a publié la liste définitive des candidats à la prochaine élection présidentielle. Surprise et indignation : plusieurs figures majeures de l’opposition, dont l’ex-président Laurent Gbagbo et le leader du PDCI Tidjane Thiam, n’y figurent pas. Cette décision, fondée sur des motifs juridiques contestés, fait planer une ombre sur la crédibilité du scrutin et la stabilité politique du pays. La Côte d’Ivoire, moteur économique de l’Afrique de l’Ouest, est-elle en train de tourner le dos à la démocratie pluraliste ?
Les exclusions : motifs et réactions
Les autorités invoquent divers motifs pour justifier l’exclusion de ces candidats : condamnations judiciaires, dossiers incomplets, non-respect de certaines conditions d’éligibilité. Pour les partisans du pouvoir, il s’agit de faire respecter la loi et d’éviter le retour de figures jugées « divisives ». Mais pour l’opposition et de nombreux observateurs, ces exclusions sont perçues comme une manœuvre politique visant à verrouiller le jeu électoral.
La réaction ne s’est pas fait attendre. Les partis concernés dénoncent une « mascarade », appellent à la mobilisation et promettent de contester la décision devant les instances nationales et internationales. La société civile, les intellectuels et les médias indépendants redoutent une montée des tensions à l’approche du scrutin.
Un climat politique déjà fragile
Depuis la crise post-électorale de 2010-2011, qui avait fait plus de 3 000 morts, la Côte d’Ivoire a connu une décennie de croissance économique mais aussi de polarisation politique. Les tentatives de réconciliation nationale ont été fragiles, et les clivages entre partisans du pouvoir et de l’opposition restent vifs. L’exclusion de figures majeures du débat électoral risque d’attiser les frustrations et de réveiller les vieux démons de la violence politique.
Les enjeux pour la démocratie ivoirienne
La crédibilité du processus électoral est en jeu. Pour que la démocratie soit réelle, il faut que toutes les sensibilités politiques puissent s’exprimer et concourir à égalité. L’exclusion de candidats populaires risque de délégitimer le futur président, d’affaiblir les institutions et de nourrir la contestation. Les jeunes, qui représentent la majorité de la population, pourraient se détourner des urnes ou, pire, être tentés par la rue.
Les réactions internationales
La communauté internationale suit de près la situation. L’Union africaine, la CEDEAO, l’Union européenne et l’ONU ont appelé au respect des droits politiques et à l’inclusion de tous les acteurs dans le processus. Des missions d’observation électorale sont prévues, mais leur marge de manœuvre dépendra de l’ouverture réelle du scrutin. Plusieurs partenaires économiques de la Côte d’Ivoire, inquiets pour la stabilité du pays, appellent à la retenue et au dialogue.
Les risques de violences et de crise post-électorale
L’histoire récente de la Côte d’Ivoire montre que les élections contestées peuvent déboucher sur des violences massives. La présence de milices, la circulation des armes et la fragilité des institutions judiciaires sont autant de facteurs de risque. Les leaders religieux, les chefs traditionnels et la société civile multiplient les appels au calme, mais la tension monte dans les quartiers populaires d’Abidjan et dans les fiefs de l’opposition.
Quelles alternatives pour l’opposition ?
Privée de ses principaux candidats, l’opposition doit repenser sa stratégie : soutenir un candidat unique, appeler au boycott, ou tenter de mobiliser la rue ? Les divisions internes compliquent la tâche, mais certains appellent à l’unité pour défendre la démocratie. Des recours juridiques sont en cours, mais leur issue reste incertaine dans un contexte de méfiance envers la justice.
Le rôle de la jeunesse et des femmes
La jeunesse ivoirienne, connectée, informée et souvent critique envers la classe politique, pourrait jouer un rôle clé dans la mobilisation ou la démobilisation électorale. Les femmes, longtemps marginalisées dans la vie politique, s’organisent pour faire entendre leur voix et exiger des élections inclusives et pacifiques.
Conclusion : démocratie en sursis, vigilance citoyenne
L’exclusion de plusieurs opposants majeurs de la présidentielle ivoirienne est un coup dur pour la démocratie. Mais elle peut aussi être l’occasion d’une prise de conscience collective sur l’importance de l’inclusion, du respect des règles et du dialogue. La renaissance africaine passe par des élections libres, transparentes et ouvertes à tous. La vigilance citoyenne, la mobilisation pacifique et l’engagement de la société civile seront essentiels pour éviter une nouvelle crise et construire une Côte d’Ivoire réconciliée.