Introduction
En 2025, la Chine, longtemps considérée comme le moteur de la croissance mondiale, traverse une période de ralentissement économique sans précédent depuis les réformes de Deng Xiaoping. Ce coup de frein, qui se manifeste par une croissance plus faible, une crise immobilière persistante, des tensions commerciales accrues et une consommation intérieure atone, bouleverse l’équilibre économique mondial. Quels sont les ressorts de ce ralentissement ? Quelles conséquences pour l’Afrique, l’Europe et l’économie globale ? Décryptage d’un tournant historique pour le géant asiatique et pour la planète.
Un ralentissement structurel et conjoncturel
Après avoir affiché une croissance de +5,2 % en 2023, l’économie chinoise a ralenti en 2024 (+4,6 % au troisième trimestre) et vise un objectif de 5 % pour 2025, jugé ambitieux par de nombreux analystes617. Si la production industrielle et les exportations ont permis de soutenir l’activité, la consommation privée reste en berne, freinée par la crise immobilière, la déflation et la prudence des ménages613.
La crise immobilière, talon d’Achille du modèle chinois
Le secteur immobilier, qui représentait jusqu’à 20 % du PIB chinois, traverse une crise d’une ampleur inédite. La chute des prix dans certaines villes atteint 40 à 60 %, détruisant la richesse des ménages, qui avaient placé 70 % de leur épargne dans la pierre38. Les pertes sont absorbées par la population, l’État et les banques refusant d’intervenir massivement. Cette crise se répercute sur la consommation, le marché du travail (200 millions de travailleurs migrants affectés) et la confiance globale dans l’économie38.
Consommation privée et déflation
La consommation intérieure, pilier de la stratégie de rééquilibrage chinois, reste faible (32 % du PIB). Les ventes au détail progressent timidement (+4 % sur un an en février 2025), tandis que l’indice des prix à la consommation affiche un recul de 0,7 %, signe d’une pression déflationniste persistante76. Les ménages, appauvris par la crise immobilière et inquiets pour l’avenir, maintiennent un taux d’épargne élevé (31,7 %), freinant la relance par la demande7.
Tensions commerciales et géopolitiques
La réélection de Donald Trump a entraîné une nouvelle vague de droits de douane punitifs (+20 points de pourcentage sur l’ensemble des biens chinois depuis janvier 2025), touchant même certains pays partenaires de la Chine14. L’Union européenne et d’autres économies majeures multiplient également les mesures protectionnistes pour protéger leurs marchés. Les exportations, moteur de la croissance en 2024, devraient donc nettement ralentir en 202514.
Transition énergétique et défis technologiques
La Chine poursuit ses investissements dans les énergies propres et la technologie, mais la transition vers un modèle plus vert et innovant reste inachevée. Les réformes fiscales, la modernisation industrielle et la montée en gamme technologique sont en marche, mais leur impact reste incertain à court terme4.
Les réponses de Pékin
Face à ces défis, le gouvernement chinois a adopté une politique budgétaire et monétaire très volontariste : déficit public porté à 4 % du PIB, mesures de relance ciblées (subventions, hausse des salaires minimums, soutien à la consommation), et investissements dans les infrastructures et l’innovation15. La production industrielle a progressé de 7,7 % en glissement annuel au premier trimestre 2025, mais l’immobilier reste en crise (-9,9 % d’investissements)5.
Conséquences pour l’économie mondiale
Afrique : entre dépendance et opportunité de diversification
L’Afrique, partenaire clé de la Chine, ressent déjà les effets du ralentissement. La demande chinoise en matières premières (pétrole, cuivre, cobalt) diminue, affectant les recettes d’exportation de nombreux pays africains. Les grands projets d’infrastructures sont ralentis ou renégociés, fragilisant la croissance de certains États. Toutefois, cette situation pousse aussi à la diversification des partenaires, à l’intégration régionale et à l’industrialisation locale, via la ZLECAf14.
Europe : réorganisation des chaînes de valeur
L’Union européenne, très exposée aux importations chinoises, accélère la relocalisation de certaines industries stratégiques et la diversification de ses fournisseurs. Les exportateurs européens, notamment dans l’automobile, le luxe et l’agroalimentaire, subissent la baisse de la demande chinoise, mais l’Europe y voit aussi une opportunité de renforcer son autonomie industrielle34.
États-Unis : rivalité, adaptation et incertitude
Pour les États-Unis, le ralentissement chinois est à la fois un risque (pour les exportateurs et les marchés financiers) et une opportunité (pour la réindustrialisation et la rivalité technologique). Washington durcit sa politique commerciale, tout en cherchant à éviter une crise systémique mondiale14.
Marchés émergents : redistribution des cartes
Des pays comme l’Inde, le Vietnam, l’Indonésie ou le Mexique profitent de la réorganisation des chaînes d’approvisionnement, attirant des investissements étrangers initialement destinés à la Chine4.
Perspectives : vers une « japonisation » de la Chine ?
Certains analystes évoquent le risque d’une « japonisation » de l’économie chinoise : stagnation, déflation, crise immobilière et vieillissement démographique3. Le gouvernement mise sur l’innovation, l’éducation, la montée en gamme industrielle et la stimulation de la demande intérieure, mais la transition sera longue et incertaine146.
Conclusion
Le ralentissement chinois en 2025 marque la fin d’un cycle de croissance facile pour l’économie mondiale. L’Afrique, l’Europe et les États-Unis doivent s’adapter à ce nouvel équilibre, en misant sur la diversification, l’innovation et la résilience. Le futur de la croissance mondiale dépendra de la capacité de la Chine à réinventer son modèle et de celle du reste du monde à tirer parti de ce tournant historique.