Centrafrique : entre espoirs de croissance et réalité de la pauvreté
La République centrafricaine (RCA) est l’un des pays les plus pauvres du monde, malgré un potentiel minier et agricole considérable. Depuis l’indépendance en 1960, le pays a connu une succession de crises politiques, de conflits armés et de coups d’État, qui ont entravé tout développement durable. En 2025, la croissance économique reste fragile, oscillant autour de 2 à 3 % selon la Banque mondiale, mais cette embellie statistique masque une réalité sociale dramatique : plus de 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, l’accès aux services de base est limité et la dépendance à l’aide internationale demeure structurelle.
Un tissu économique sous perfusion
L’économie centrafricaine repose principalement sur l’agriculture de subsistance (manioc, maïs, arachide), l’élevage et l’exploitation artisanale de l’or et du diamant. Les grandes entreprises formelles sont rares, le secteur informel domine et la fiscalité est très faible. Les exportations de bois, de coton et de diamants constituent les principales sources de devises, mais les recettes sont souvent détournées par des réseaux parallèles ou des groupes armés.
Les infrastructures routières, énergétiques et de télécommunications sont en ruine ou inexistantes dans de vastes régions du pays. Le secteur bancaire est embryonnaire, l’accès au crédit quasi impossible pour la majorité des entrepreneurs et des agriculteurs. Les investissements privés, locaux comme étrangers, restent découragés par l’insécurité et l’instabilité politique.
L’aide internationale, pilier de l’économie
La Centrafrique dépend massivement de l’aide extérieure pour financer son budget, ses programmes sociaux et ses projets d’infrastructures. Selon le ministère des Finances, plus de 60 % du budget national 2025 provient de dons et de prêts internationaux, principalement de l’Union européenne, de la Banque mondiale, du FMI, de la France, de la Chine et des agences onusiennes.
Cette dépendance pose plusieurs problèmes :
- La volatilité des financements, soumis à la conjoncture internationale et aux conditionnalités politiques.
- Le risque de voir l’État se désengager de ses missions régaliennes, en déléguant aux ONG et aux bailleurs la gestion de secteurs entiers (santé, éducation, alimentation).
- La difficulté à bâtir une souveraineté économique et à planifier des politiques publiques de long terme.
Pauvreté, insécurité alimentaire et crise humanitaire
En dehors de Bangui, la majorité des Centrafricains vivent dans des conditions précaires : accès limité à l’eau potable, à l’électricité, à la santé et à l’éducation. Selon le Programme alimentaire mondial, plus de 2 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë, notamment dans les régions du nord et de l’est, en proie à des affrontements entre groupes armés.
La malnutrition infantile atteint des taux alarmants, et les épidémies de paludisme, de rougeole et de choléra sont récurrentes. Les déplacements de populations, internes ou vers les pays voisins, aggravent la crise humanitaire.
Le défi de la paix et de la reconstruction
La signature d’accords de paix successifs, notamment celui de Khartoum en 2019, n’a pas permis de désarmer les groupes armés ni de restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. Les forces internationales (MINUSCA, instructeurs russes, forces rwandaises) assurent une sécurité relative à Bangui et dans certaines villes, mais l’insécurité reste la norme dans de nombreuses préfectures.
La reconstruction du pays passe par la restauration de l’État, la réforme du secteur de la sécurité, la lutte contre la corruption et la relance de l’économie locale. Les partenaires internationaux insistent sur la nécessité de renforcer la gouvernance, de soutenir l’agriculture et d’investir dans l’éducation.
Témoignages et initiatives locales
De nombreux Centrafricains refusent de céder au fatalisme. À Bangui, des coopératives agricoles, des associations de femmes et des jeunes entrepreneurs tentent de relancer la production locale, de créer des emplois et de promouvoir la paix.
« Nous voulons vivre dignement de notre travail, mais il faut la sécurité et l’accès au crédit », explique Marie, présidente d’une coopérative de maraîchage à Bimbo.
Des ONG locales, comme l’Association pour la promotion de la santé en Centrafrique, œuvrent pour l’accès aux soins et la sensibilisation à l’hygiène, tandis que des radios communautaires diffusent des messages de cohésion sociale.
Perspectives : vers une croissance inclusive ?
Les experts estiment que la Centrafrique ne pourra sortir de la pauvreté qu’en misant sur la paix, la bonne gouvernance et l’investissement dans le capital humain. La diversification de l’économie, la valorisation des ressources naturelles dans le respect de l’environnement et la lutte contre la corruption sont des priorités.
Un pacte de confiance entre l’État, la société civile et les bailleurs est indispensable pour bâtir un développement réellement inclusif.