Introduction
Le 28 mai 2025, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) célèbre son cinquantième anniversaire. Mais cette commémoration, qui aurait dû être un moment de fierté et d’unité, est assombrie par le retrait effectif du Mali, du Burkina Faso et du Niger, désormais regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES). L’événement met en lumière les défis actuels de l’intégration régionale, la montée des tensions sécuritaires et politiques, et la nécessité de repenser le projet CEDEAO à l’aune des réalités contemporaines.
Retour sur 50 ans d’intégration régionale
Créée en 1975, la CEDEAO avait pour ambition de promouvoir la coopération économique, la libre circulation des personnes et des biens, et la paix entre ses États membres. Au fil des décennies, l’organisation s’est dotée d’institutions solides : Parlement, Cour de justice, force d’intervention régionale (ECOMOG), et a joué un rôle clé dans la résolution de crises (Libéria, Sierra Leone, Côte d’Ivoire).
La CEDEAO a aussi favorisé la création d’un marché commun, l’harmonisation des politiques économiques et monétaires, et la mise en place de projets d’infrastructures transfrontalières.
Les causes du retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger
En janvier 2024, les trois pays sahéliens ont annoncé leur retrait de la CEDEAO, dénonçant des sanctions jugées « injustes » et une ingérence dans leurs affaires internes après les coups d’État militaires. Ils reprochent à l’organisation son manque de soutien face à la menace jihadiste et sa préférence pour la stabilité institutionnelle au détriment de la sécurité.
Leur départ, effectif depuis mai 2025, marque une rupture majeure et affaiblit l’unité régionale. L’AES, nouvelle alliance militaire et politique, affirme vouloir « reprendre en main » la lutte antiterroriste et promouvoir une intégration alternative centrée sur la souveraineté nationale.
Les conséquences pour la CEDEAO
- Perte de poids géopolitique : Le retrait de trois membres clés réduit la capacité d’action de la CEDEAO sur le plan sécuritaire et diplomatique.
- Défis économiques : Les échanges commerciaux, les corridors de transport et les projets d’intégration sont fragilisés par la fermeture des frontières et la suspension de certains accords.
- Risques de fragmentation : L’apparition de blocs concurrents menace la cohésion régionale et complique la gestion des crises transfrontalières.
Les réactions des autres États membres
La plupart des pays membres, dont le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana, ont appelé au dialogue et à la réconciliation. Certains craignent un effet domino, d’autres insistent sur la nécessité de réformer la CEDEAO pour mieux répondre aux attentes des populations.
Le président nigérian Bola Tinubu, président en exercice de la CEDEAO, a réaffirmé l’importance de l’unité et proposé la tenue d’un sommet extraordinaire pour relancer le dialogue avec l’AES.
Les enjeux pour l’avenir de l’intégration régionale
- Sécurité collective : La lutte contre le terrorisme et le crime organisé nécessite une coopération régionale renforcée. La division actuelle profite aux groupes armés.
- Libre circulation : La fermeture des frontières remet en cause l’un des acquis majeurs de la CEDEAO. Des millions de commerçants, de travailleurs et d’étudiants sont affectés.
- Souveraineté et démocratie : Le débat sur l’ingérence, la légitimité des transitions militaires et la défense des valeurs démocratiques reste vif.
Les perspectives de réforme
Face à la crise, plusieurs pistes sont évoquées :
- Révision des mécanismes de sanctions pour privilégier la médiation et l’accompagnement des transitions.
- Renforcement de la participation citoyenne dans les processus de décision régionaux.
- Création de nouveaux outils de financement et de solidarité pour soutenir les pays en crise.
La voix de la société civile
Des ONG, des syndicats et des mouvements citoyens appellent à une CEDEAO plus inclusive, transparente et proche des réalités locales. Ils plaident pour une intégration « par le bas », fondée sur l’éducation, la culture et l’entrepreneuriat.
Conclusion
Le 50e anniversaire de la CEDEAO est un moment de réflexion sur les succès et les limites de l’intégration ouest-africaine. Face aux défis sécuritaires, politiques et économiques, l’organisation doit se réinventer pour rester un acteur clé de la stabilité et du développement régional. Le dialogue, la réforme et l’implication des citoyens seront essentiels pour bâtir la CEDEAO du futur.