Cap-Vert : une indépendance sans guerre, le modèle oublié de la décolonisation africaine

Praia, 5 juillet 2025 – Le Cap-Vert, une exception pacifique dans l’histoire de l’Afrique

Alors que le continent africain a été marqué, au XXe siècle, par des luttes sanglantes pour la souveraineté, le Cap-Vert demeure un cas unique : l’archipel a accédé à l’indépendance le 5 juillet 1975 sans guerre, sans bain de sang, et dans un climat de dialogue. À l’occasion du 49e anniversaire de cette indépendance, retour sur un modèle pacifique souvent méconnu, mais porteur d’enseignements pour l’Afrique contemporaine.

Un contexte géopolitique particulier

Le Cap-Vert, archipel de dix îles au large du Sénégal, était depuis le XVe siècle une colonie portugaise. Mais à la différence de l’Angola, du Mozambique ou de la Guinée-Bissau, le Cap-Vert n’a jamais connu de guérilla armée sur son sol. La lutte pour l’indépendance s’est jouée en grande partie sur le terrain politique, diplomatique et intellectuel, sous l’impulsion d’Amilcar Cabral et du PAIGC.

L’isolement géographique, la faible population (environ 300 000 habitants en 1975) et l’absence de ressources minières majeures ont contribué à limiter l’intérêt stratégique de l’archipel pour le Portugal, facilitant une transition moins violente.

Le rôle clé d’Amilcar Cabral et du PAIGC

Si la Guinée-Bissau, voisine, a connu une guerre de libération féroce, le Cap-Vert a bénéficié de la stratégie duale du PAIGC : lutte armée en Guinée, mobilisation politique et sociale au Cap-Vert. Les Capverdiens ont massivement soutenu la cause de l’indépendance par la mobilisation de la diaspora, la sensibilisation internationale et la construction d’un consensus national.

Amilcar Cabral, lui-même capverdien par son père, a toujours insisté sur la nécessité d’éviter la violence inutile et de privilégier le dialogue. Après son assassinat en 1973, ses successeurs ont poursuivi cette voie, négociant avec le Portugal une indépendance concertée.

La Révolution des Œillets et l’accord de Praia

Le 25 avril 1974, la Révolution des Œillets au Portugal met fin à la dictature de Salazar et accélère le processus de décolonisation. Le nouveau gouvernement portugais, dirigé par Vasco Gonçalves, ouvre des négociations avec les mouvements indépendantistes africains.

Le 5 juillet 1975, l’accord d’indépendance est signé à Praia par Aristides Pereira, premier président du Cap-Vert, et le Premier ministre portugais. La cérémonie, sobre et solennelle, marque la naissance d’un État souverain, reconnu immédiatement par l’ONU et la communauté internationale.

Un modèle de transition pacifique et de stabilité

Contrairement à de nombreux pays africains, le Cap-Vert a échappé aux coups d’État, aux guerres civiles et aux crises majeures. Le pays a connu une alternance politique régulière, une stabilité institutionnelle et une croissance économique soutenue, malgré des ressources limitées.

Le modèle capverdien repose sur :

  • Un fort investissement dans l’éducation et la santé
  • Une diaspora active et solidaire
  • Une gouvernance inclusive et transparente
  • Une ouverture sur le monde et une diplomatie active

Des défis persistants, mais une trajectoire exemplaire

Le Cap-Vert n’est pas exempt de défis : insularité, sécheresse, dépendance aux importations, migrations… Mais il a su bâtir un État de droit, une société civile dynamique et une identité nationale forte. L’indice de développement humain (IDH) du pays est l’un des plus élevés d’Afrique de l’Ouest.

Le pays est aujourd’hui cité en exemple pour sa gestion pacifique de la transition, sa tolérance religieuse et culturelle, et sa capacité à dialoguer avec ses partenaires.

Un héritage pour l’Afrique contemporaine

À l’heure où de nombreux pays africains sont confrontés à la violence, à l’instabilité et à la tentation autoritaire, le modèle capverdien rappelle que l’indépendance peut être conquise sans armes, par la force du dialogue, de l’unité et de la vision collective.

Les commémorations du 49e anniversaire sont l’occasion, pour les Capverdiens et pour l’Afrique, de réfléchir à la valeur de la paix, de la mémoire et de la transmission.

Conclusion

L’histoire du Cap-Vert, souvent éclipsée par les grands récits de la décolonisation violente, mérite d’être redécouverte et méditée. À l’heure où l’Afrique cherche de nouveaux modèles, l’expérience capverdienne offre une source d’inspiration précieuse pour penser la souveraineté, la démocratie et le développement.

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