Introduction
À l’approche de la présidentielle d’octobre 2025, le Cameroun s’enfonce dans une crise politique aux multiples facettes. Alors que Paul Biya, 92 ans, pourrait briguer un huitième mandat malgré son absence prolongée des radars, l’opposition tente de s’unir face à un RDPC omniprésent. Entre reports législatifs, tensions sécuritaires et incertitudes sur la succession, le scrutin s’annonce comme un tournant à haut risque.
Paul Biya : Un candidat fantôme ?
Absent des écrans depuis septembre 2024, le président camerounais alimente les rumeurs sur son état de santé. Son dernier déplacement officiel remonte à mars 2024, et les apparitions préenregistrées ne suffisent plus à rassurer. Pourtant, le RDPC mise sur sa candidature pour maintenir le statu quo, s’appuyant sur :
- Un amendement constitutionnel de 2008 supprimant la limite des mandats.
- Le contrôle des institutions (CENI, justice, médias).
- Un report des législatives à 2026, adopté en juillet 2024 pour éviter une concurrence électorale en 20257.
Malgré son âge avancé, Biya reste une figure incontournable. « Personne n’ose annoncer sa mort politique tant qu’il respire », analyse un diplomate européen sous anonymat.
L’opposition : Une mosaïque de leaders sans stratégie commune
Face au RDPC, les principaux candidats potentiels peinent à fédérer :
- Maurice Kamto (MRC) : Emprisonné après les élections de 2018, il mise sur un boycott si les conditions ne sont pas transparentes.
- Cabral Libii (PCRN) : Prône une transition de trois ans pour réformer les institutions, mais son parti manque d’ancrage local.
- Joshua Osih (SDF) : Tentative de relancer le parti historique, affaibli par des divisions internes.
L’Alliance pour une Transition Politique (ATP), lancée par Olivier Bilé, tente d’unir les forces anti-Biya. Mais ses primaires, marquées par des accusations de fraude, révèlent des fractures persistantes.
Enjeux sécuritaires : Un terreau explosif
Le scrutin se déroulera dans un contexte de crises multiples :
- Conflit anglophone : Plus de 6 000 morts depuis 2017 et 700 000 déplacés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
- Menace de Boko Haram : Attaques récurrentes dans l’Extrême-Nord.
- Crise économique : Inflation à 8,5 % en 2024 et chômage des jeunes à 35 %.
Ces défis renforcent les appels à une alternance, mais le RDPC instrumentalise l’instabilité pour justifier la continuité.
Succession de Biya : La guerre des clans en coulisses
En l’absence d’héritier désigné, deux factions se disputent l’après-Biya :
- Le clan Nanga-Eboko : Mené par Ferdinand Ngoh Ngoh (secrétaire général de la présidence) et soutenu par Chantal Biya.
- Le clan Mvondo Ayolo : Autour de Samuel Mvondo Ayolo (directeur de cabinet) et Oswald Baboke.
« Biya est pris en otage par des factions qui gouvernent en son nom », dénonce Pascal Messanga Nyamdig, politologue3. Cette lutte paralyse l’État, illustrée par le conflit entre le Minsep et la Fecafoot autour des Lions Indomptables3.
Scénarios pour 2025
- Biya candidat : Le RDPC l’emporte face à une opposition divisée, malgré des fraudes massives.
- Transition improvisée : En cas de décès ou retrait de Biya, le clan Nanga-Eboko impose un successeur (Ferdinand Ngoh Ngoh ?).
- Explosion sociale : Une victoire contestée du RDPC déclenche des manifestations réprimées, comme en 2018.
Conclusion : Un pays à la croisée des chemins
Le Cameroun incarne le paradoxe des régimes autoritaires vieillissants en Afrique. Si la présidentielle de 2025 pourrait renforcer le statu quo, l’usure du pouvoir, les crises socio-économiques et les ambitions des clans rendent l’équation imprévisible. Comme le résume Cabral Libii : « Sans transition, le Cameroun risquera l’implosion »5.