Burkina Faso : les frères Dicko, importateurs du djihad, sous surveillance accrue

Introduction

Le 30 mai 2025, les services de sécurité du Burkina Faso ont annoncé un renforcement de la surveillance et des opérations ciblées contre les réseaux djihadistes opérant dans le nord et l’est du pays, avec une attention particulière portée à la mouvance liée aux frères Dicko. Ces deux figures religieuses, issues d’une grande famille peule, sont soupçonnées d’avoir joué un rôle clé dans la radicalisation de communautés locales et l’importation de l’idéologie djihadiste dans la région du Sahel. Analyse d’une menace hybride, entre activisme religieux, enjeux communautaires et géopolitique régionale.

Les frères Dicko : itinéraire de deux prédicateurs influents

Originaires de la région du Soum, les frères Dicko ont longtemps été perçus comme des leaders religieux charismatiques, prônant un islam rigoriste mais pacifique. Cependant, depuis 2017, plusieurs rapports des services de renseignement burkinabè et internationaux les accusent d’avoir servi de relais idéologique et logistique à des groupes affiliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à l’État islamique au Grand Sahara (EIGS).

Leur influence s’étend bien au-delà du Burkina Faso, touchant le Mali, le Niger et même le nord du Bénin, où ils bénéficient de réseaux d’écoles coraniques, d’associations caritatives et de relais communautaires.

Radicalisation et enracinement local

Les frères Dicko sont soupçonnés d’avoir facilité l’implantation de cellules djihadistes en exploitant les frustrations sociales, la marginalisation des populations peules et les conflits fonciers. Leur discours, mêlant critique des élites corrompues, appel à la justice islamique et promesse de protection contre les exactions des milices d’autodéfense, a séduit de nombreux jeunes désœuvrés.

Des témoignages recueillis dans la région du Soum évoquent des prêches enflammés, la distribution de fonds et d’armes, ainsi que la création de tribunaux islamiques parallèles. Les services de renseignement estiment que les frères Dicko ont contribué à la structuration des katibas (unités combattantes) et à la coordination des attaques contre les forces de sécurité.

Réponse des autorités burkinabè

Face à la montée de la menace, les autorités de transition à Ouagadougou ont décidé d’intensifier la surveillance des réseaux liés aux frères Dicko. Plusieurs proches ont été interpellés, des mosquées surveillées et des comptes bancaires gelés. Les forces armées, appuyées par des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), mènent des opérations de ratissage dans les zones frontalières.

Le gouvernement mise également sur le dialogue communautaire et la réconciliation, en tentant de dissocier les populations locales des groupes armés et en proposant des programmes de déradicalisation.

Les enjeux régionaux et internationaux

La situation au Burkina Faso s’inscrit dans un contexte de crise sécuritaire généralisée au Sahel. La porosité des frontières, la faiblesse des États et l’absence de perspectives économiques favorisent la prolifération des groupes djihadistes, qui exploitent les rivalités ethniques et la défiance envers les autorités centrales.

La communauté internationale, notamment la CEDEAO, l’Union africaine et la France, suit de près l’évolution du dossier Dicko, qui pourrait servir de modèle ou d’alerte pour d’autres pays confrontés à la radicalisation religieuse.

Les défis de la lutte contre le djihadisme

  • Renseignement et infiltration : Les groupes liés aux frères Dicko sont très mobiles et bénéficient d’un soutien local, rendant leur neutralisation complexe.
  • Respect des droits humains : Les ONG alertent sur les risques d’exactions lors des opérations militaires et sur la nécessité de respecter les droits des populations civiles.
  • Prévention et éducation : Les experts insistent sur l’importance de l’éducation, de la lutte contre la pauvreté et de la promotion d’un islam tolérant pour contrer l’attrait du djihadisme.

Conclusion

La surveillance accrue des frères Dicko et de leur réseau témoigne de la gravité de la menace djihadiste au Burkina Faso et dans le Sahel. Seule une approche globale, mêlant sécurité, dialogue et développement, permettra de contenir l’idéologie extrémiste et de restaurer la paix dans la région.

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