Le Burkina Faso a franchi un cap critique dans la restructuration de son paysage politique. Ce 19 juillet 2025, la junte militaire au pouvoir, dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré, a annoncé la dissolution de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), mettant un terme à sa mission de supervision des élections. Elle entend désormais centraliser sous l’autorité du Conseil de la Transition la gestion de tous les futurs scrutins, justifiant cette décision par « l’urgence de sécuriser et de moderniser les processus électoraux dans un contexte d’instabilité ».
Un contexte sécuritaire et politique explosif
Depuis la prise de pouvoir par l’armée en 2022 et face à une insécurité croissante, marquée notamment par le terrorisme djihadiste dans les régions du Sahel, la junte avait progressivement renforcé son emprise sur les institutions. Nombre d’observateurs craignent aujourd’hui un tournant autoritaire et la remise en cause de tout retour à l’ordre constitutionnel.
Réactions nationales et internationales
Les principaux partis politiques d’opposition dénoncent une « mainmise totale » du pouvoir militaire, parlant de « coup d’État institutionnel ». Dans la rue, quelques centaines de manifestants ont bravé l’interdiction de rassemblement pour réclamer la restauration de la CENI et le lancement d’un processus de transition encadré par des instances indépendantes.
Sur le plan international, l’Union africaine et la CEDEAO ont d’ores et déjà condamné la mesure, exigeant la publication d’un calendrier précis pour la tenue d’élections libres et transparentes. La France et les États-Unis plaident pour une médiation régionale « avant l’enlisement du processus démocratique ».
Les enjeux du contrôle électoral
Cette décision soulève la question fondamentale de la crédibilité des futures élections au Burkina Faso, alors que la confiance des citoyens dans les institutions s’était déjà gravement érodée après deux coups d’État successifs. D’anciens membres de la CENI, joints par Africanova, estiment que « tout espoir d’alternance pacifique disparaît si le pouvoir de certifier les résultats se concentre aux mains des militaires ».
En parallèle, la société civile s’inquiète d’une vague possible de répression, plusieurs activistes ayant été arrêtés ces derniers jours pour « diffusion de fausses informations » sur les réseaux sociaux.
Scénarios et perspectives
La centralisation du processus électoral entre les mains de la junte pourrait retarder indéfiniment la transition démocratique, voire déboucher sur une présidence militaire pérenne. À l’inverse, une pression internationale coordonnée pourrait contraindre le régime à négocier avec l’opposition et à rétablir la confiance.
En attendant, la population burkinabè demeure prise en étau entre insécurité, incertitude politique, et crise économique profonde. Les prochains mois seront décisifs pour l’avenir institutionnel du pays et de toute la région sahélienne.