Afrique : la montée des cyberattaques contre les institutions publiques et privées, un défi de souveraineté numérique

Introduction

Le 30 mai 2025, l’Union africaine a publié un rapport alarmant sur la multiplication des cyberattaques visant les institutions publiques et privées du continent. Selon ce document, l’Afrique a connu une hausse de plus de 60 % des incidents de cybersécurité en un an, touchant aussi bien les gouvernements, les banques, les entreprises stratégiques, les médias que les ONG. Cette vague de cybercriminalité, souvent orchestrée depuis l’étranger mais aussi par des groupes locaux, met en lumière la vulnérabilité des infrastructures numériques africaines et pose la question cruciale de la souveraineté numérique. Analyse des causes, des impacts, des réponses nationales et régionales, et des perspectives pour la sécurité digitale du continent.

Un paysage numérique en pleine expansion, mais fragile

L’Afrique connaît une transformation numérique rapide : explosion du mobile banking, digitalisation des services publics, croissance de l’e-commerce, déploiement de la 5G et des data centers. Cette modernisation, accélérée par la pandémie de Covid-19, a permis de connecter des millions de personnes et de stimuler l’innovation. Mais elle s’est souvent faite sans investissements suffisants dans la cybersécurité, créant un terrain propice aux attaques.

Les infrastructures critiques – réseaux électriques, télécommunications, systèmes de paiement, hôpitaux – sont particulièrement exposées. Les administrations, souvent peu formées et sous-équipées, peinent à protéger les données sensibles des citoyens et des entreprises.

Typologie des attaques et cibles privilégiées

  • Ransomware (rançongiciels) : Des groupes criminels cryptent les données d’institutions ou d’entreprises et exigent une rançon pour les restituer. Plusieurs hôpitaux, banques et ministères de l’intérieur ont été paralysés ces derniers mois en Afrique du Sud, au Nigeria, au Maroc et au Kenya.
  • Phishing et ingénierie sociale : Les campagnes de faux emails ou de SMS ciblent les employés et les citoyens pour voler des identifiants ou détourner des fonds. Les banques et les opérateurs de téléphonie sont les plus touchés.
  • Attaques DDoS (déni de service) : Des sites gouvernementaux ou de médias sont rendus inaccessibles par des vagues massives de requêtes, souvent lors d’élections ou de crises politiques.
  • Espionnage et sabotage : Des groupes liés à des États étrangers cherchent à collecter des informations stratégiques ou à perturber les infrastructures critiques, notamment dans les secteurs de l’énergie, des mines et de la défense.

Les conséquences économiques et politiques

  • Pertes financières : Selon la Commission économique pour l’Afrique, les cyberattaques coûtent plus de 4 milliards de dollars par an au continent, entre rançons, vols de données, interruption d’activité et perte de confiance des investisseurs.
  • Atteinte à la souveraineté : La dépendance à des technologies étrangères (cloud, logiciels, équipements) expose les États africains au risque d’espionnage, de chantage ou de manipulation.
  • Déstabilisation politique : Les attaques contre les sites électoraux, les médias ou les administrations peuvent semer la confusion, propager de fausses informations et affaiblir la légitimité des institutions.

Les réponses nationales : entre retard et montée en puissance

  • Cadres juridiques : Moins de la moitié des pays africains disposent d’une législation complète sur la cybersécurité et la protection des données. Le Nigeria, le Maroc, l’Afrique du Sud et le Rwanda font figure de pionniers, mais beaucoup de pays restent à la traîne.
  • Agences spécialisées : Plusieurs États ont créé des agences nationales de cybersécurité, mais elles manquent souvent de moyens, de personnel qualifié et de coordination régionale.
  • Formation et sensibilisation : Des programmes de formation pour les fonctionnaires, les entreprises et les citoyens se multiplient, mais peinent à suivre le rythme de l’évolution des menaces.

Initiatives régionales et continentales

  • Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité (Convention de Malabo) : Adoptée en 2014, elle vise à harmoniser les législations et à encourager la coopération. Mais sa ratification reste incomplète.
  • Centres de réponse aux incidents (CERT) : Des plateformes régionales de partage d’informations et de coordination des réponses sont en cours de déploiement, notamment en Afrique de l’Ouest et de l’Est.
  • Partenariats internationaux : L’UE, la Chine, les États-Unis et la Russie proposent formations, équipements et assistance technique, mais la dépendance à l’étranger reste une faiblesse stratégique.

Les défis de la souveraineté numérique africaine

  • Développement de solutions locales : Encourager la création de logiciels, de services cloud et de matériel africains pour réduire la dépendance technologique.
  • Protection des données : Mettre en place des lois strictes sur la localisation, la gestion et la sécurité des données, en veillant à la protection de la vie privée.
  • Sensibilisation et inclusion : Former les citoyens, les PME et les administrations aux risques numériques, en particulier dans les zones rurales et auprès des publics vulnérables.
  • Coopération régionale : Renforcer l’échange d’informations, la coordination des réponses et la solidarité face aux menaces transfrontalières.

Témoignages et perspectives

  • Experts : « L’Afrique doit investir massivement dans la cybersécurité, sinon la transformation numérique deviendra un facteur de vulnérabilité plus que de développement », alerte un consultant en sécurité basé à Nairobi.
  • Entreprises : Les banques et les opérateurs télécoms réclament des incitations fiscales pour investir dans la cybersécurité et des partenariats public-privé pour mutualiser les efforts.
  • Société civile : Les ONG insistent sur la nécessité de protéger les droits numériques, de garantir la transparence des technologies et de lutter contre la censure sous prétexte de sécurité.

Conclusion

La montée des cyberattaques en Afrique est un défi majeur pour la souveraineté, la sécurité et le développement du continent. Face à la sophistication croissante des menaces, seule une approche globale – juridique, technique, éducative et régionale – permettra de bâtir une Afrique numérique sûre, souveraine et inclusive.

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