Afrique : la Cour africaine des droits de l’homme face à la montée des litiges environnementaux

Introduction

Le 30 mai 2025, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a tenu une audience historique sur une série de litiges environnementaux opposant des communautés rurales, des ONG et des gouvernements africains. Cette évolution reflète la montée en puissance du contentieux environnemental sur le continent, dans un contexte de pressions croissantes sur les terres, les forêts, l’eau et la biodiversité. Entre défense des droits humains, justice climatique et souveraineté des États, la Cour se retrouve au cœur d’un débat crucial pour l’avenir de l’Afrique. Analyse des enjeux, des cas emblématiques, des défis juridiques et des perspectives pour la justice environnementale africaine.

La montée des contentieux environnementaux en Afrique

Depuis une décennie, le continent africain est confronté à une multiplication de conflits liés à l’environnement : accaparement des terres, pollution industrielle, déforestation, déplacements forcés, projets miniers ou énergétiques contestés. Face à l’inefficacité ou à la partialité des juridictions nationales, de plus en plus de communautés et d’ONG saisissent la CADHP pour faire valoir leurs droits.

En 2024, plus de 60 % des nouveaux dossiers déposés devant la Cour concernaient des questions environnementales ou climatiques, contre moins de 15 % dix ans plus tôt.

Cas emblématiques devant la Cour

  • Déplacement de communautés au Mozambique : Plusieurs milliers de paysans déplacés pour la construction d’un barrage hydroélectrique ont saisi la Cour, dénonçant l’absence de consultation, de compensation et la destruction de leurs moyens de subsistance.
  • Pollution pétrolière au Nigeria : Des ONG et des communautés du delta du Niger poursuivent l’État nigérian et des compagnies pétrolières pour pollution massive, destruction des mangroves et impacts sanitaires.
  • Déforestation en RDC : Des peuples autochtones demandent la suspension de concessions forestières accordées à des multinationales, au nom du droit à la terre, à la culture et à un environnement sain.
  • Exploitation minière à Madagascar : Des villageois dénoncent la contamination de l’eau et la perte de terres agricoles causées par des exploitations minières à grande échelle.

Les enjeux juridiques et institutionnels

  • Reconnaissance du droit à un environnement sain : La CADHP a progressivement élargi l’interprétation de la Charte africaine pour inclure le droit à un environnement sain comme un droit fondamental, indissociable des droits à la vie, à la santé et à la dignité.
  • Conflit entre souveraineté et obligations internationales : Les États africains invoquent souvent la souveraineté et le développement économique pour justifier des projets contestés, tandis que la Cour affirme la primauté des droits humains et la nécessité de consultations libres, préalables et éclairées.
  • Exécution des arrêts : Le principal défi reste l’application effective des décisions de la Cour, souvent ignorées ou contestées par les gouvernements.

Les avancées et limites de la justice environnementale africaine

Témoignages et perspectives

  • Communautés affectées : « La Cour est notre dernier espoir face à l’injustice et à la destruction de notre environnement », témoigne un leader communautaire du delta du Niger.
  • Juges de la CADHP : Ils insistent sur la nécessité d’un dialogue avec les États, d’une pédagogie sur les droits environnementaux et d’un renforcement de la coopération avec les juridictions nationales.
  • Experts : Ils appellent à l’élaboration d’un protocole africain sur la justice environnementale, à la création de fonds d’indemnisation et à l’intégration des droits des générations futures.

Les perspectives pour l’Afrique

L’essor du contentieux environnemental devant la CADHP traduit une prise de conscience croissante des enjeux écologiques et de leur lien avec les droits humains. Il pourrait accélérer l’adoption de normes plus strictes, la responsabilisation des entreprises et la participation des communautés aux décisions.

Mais la réussite de la justice environnementale africaine dépendra de la volonté politique, du renforcement des institutions et de la mobilisation citoyenne.

Conclusion

Face à la montée des litiges environnementaux, la Cour africaine des droits de l’homme s’impose comme un acteur clé de la défense des droits humains et de la justice climatique sur le continent. Son action, encore entravée par de nombreux obstacles, ouvre la voie à une Afrique plus juste, plus verte et plus respectueuse des générations futures.

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